C'est le voleur le plus célèbre de la décennie. Et aussi le plus mystérieux. Deux procès n'auront pas suffi à percer l'énigme Toni Musulin, cet homme de 39 ans qui, le 5 novembre 2009, a dérobé 11,6 millions d'euros à son ancien employeur, la société Loomis.
Il faut dire que la somme dérobée - un "butin à huit chiffres" - et le mode opératoire - sans violence, ni arme, ni complice - sont inédits. Toni Musulin a réussi son coup, "le coup" comme il confie à Alice Géraud-Arfi dans Toni 11,6, Histoire du convoyeur*. Il s'est vengé de son employeur "injuste". Et il a frappé fort. Le célibataire sans enfant à qui on refusait des congés en période estivale, à qui on ne payait pas toutes ses heures supplémentaires, s'est fait justice lui-même en élaborant un plan minutieux. Une opération méticuleuse qui s'est pourtant retournée contre lui.
Toni Musulin est un solitaire. Ses dix années passées au sein de la société Loomis le prouvent: aucun de ses collègues ne sait véritablement qui se cache derrière ce masque de fer. Les seuls détails qu'il laisse fuiter sont maigres. Passionné par les belles voitures et les motos, Toni serait un adepte de musculation et de krav maga, un "sport israélien" "permettant de tuer quelqu'un avec deux doigts". Les autres convoyeurs évoquent une "pince" qui n'a jamais payé un café de sa carrière ; un "mythomane" qui se dit "restaurateur" ; une personne "lunatique" capable de réduire en miette une vitre, puis d'afficher un calme déroutant.
Lorsqu'il se sépare de sa femme, Hélène, les employés de Loomis, qui ignorent jusqu'à l'existence de cette épouse, ne sont pas mis au parfum. De sa situation familiale, seul un formulaire rempli lors de son embauche atteste de l'existence d'une fille qui, après des tests ADN, s'avèrera ne pas être la sienne. Toni Musulin voit sa famille "en pointillés". Sa mère est absente tandis que son père, qui habite un modeste chalet près d'Annecy, ne retrouve son fils guère plus d'une fois par an. Seul son cousin partage quelques moments privilégiés avec lui au Macumba, une boîte de nuit qu'il affectionne et où il a été vigile pendant une courte période. Ce même cousin à qui il confie, près d'un an avant le casse, qu'il prépare un "gros coup".
"Je ne suis pas un Robin des Bois"
Depuis son admission à la maison d'arrêt de Corbas, au sud de Lyon, où il purge une peine de cinq ans de prison ferme, il n'a autorisé aucun proche à lui rendre visite. Il refuse que "les autres s'apitoient sur son sort". Son unique contact avec l'extérieur repose sur ses deux avocats, Mes Hervé Banbanaste et Christophe Cottet-Bretonnier. Même dans cette prison, où sa seule liberté se résume à la télécommande de sa télévision, Toni Musulin est coupé des autres et placé en isolement pour éviter que les envieux ne s'en prennent à lui. Un placement qu'il juge "inhumain" mais qu'il ne contestera jamais, conscient du risque qu'il court. Sur Internet et dans les médias, c'est parfois de l'admiration que suscite l'esseulé, perçu comme un justicier. Pour couper court au costard qu'on lui taille et dans lequel il se sent engoncé, il martèle lors de son premier procès: "Je ne suis pas un Robin des Bois". "Rien à voir."
La planque
Un double mur au fond d'un box de parking. C'est dans cette cachette que le célèbre convoyeur de fonds, Toni Musulin, avait prévu de mettre au chaud son butin de 11,6 millions d'euros.
Cet homme de chiffres qui compte le nombre de billets plutôt que les sommes d'argent, concède avoir "un rapport particulier à l'argent". Ses quatorze comptes bancaires, ses huit cartes de crédit et ses deux Ferrari en attestent. Un "goût des belles choses et du luxe" qui contraste avec son train de vie - il se rend au travail à vélo - et son salaire - à peine plus de 1500 euros. Un décalage qui poussera les enquêteurs puis les juges à dire que Toni Musulin "porte le sceau de la délinquance" et non celui de la frappe unique.
Toni, "c'est quelqu'un de bien", contrebalance Hélène, son ex-compagne. Au vol des 11,6 millions, "il y a forcément une explication", ajoute-t-elle. Cette justification, Toni Musulin, muré dans son silence une fois sa version des faits livrée, l'a emportée avec lui à la maison d'arrêt de Corbas. Tout comme les 2,5 millions d'euros manquants au butin. 35 500 billets de banque que la police cherche encore.
Par Julie Saulnier, publié le 04/02/2011 à 11:14, mis à jour à 11:27
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